Cette lettre ouverte a été soumise à La Presse, au Devoir et au Journal de Montréal, trois quotidiens montréalais, au cours du mois de janvier & février 2017. Elle n’a pas été retenue pour publication, bien qu’elle répondait en tous points aux lignes directrices régissant les lettres ouvertes publiées par ces journaux. Alors je vous l’offre, en espérant que vous la ferez circuler autour de vous.
*Des changements mineurs ont été apporté au texte original… après tout, c’est moi l’éditrice ici !*
Les Nations Unies ont déclaré 2017 comme étant l’année internationale du tourisme durable pour le développement. Quelle excellente nouvelle pour les voyageurs qui ont à cœur de faire des périples laissant une empreinte positive sur le monde!
Comme plus de 80 millions de personnes adultes obèses au Canada et aux États-Unis (sans compter les personnes considérées en simple “surpoids”), mon désir de participer à cet effort international est compromis…
Parce que je suis une voyageuse taille plus.
J’entends d’ici les gens hurler «Ben là, tu as juste à manger moins et mieux, faire du sport, bouger plus! ». (Parce que c’est TOUJOURS cette rengaine qu’on nous refile à nous, les dodus, les personnes en surpoids… les gros, quoi.)
Vous savez quoi? Je l’ai fait.
C’est ma passion pour le voyage qui m’a motivée à être plus en forme. Je me suis entraînée, question d’avoir un meilleur cardio, après avoir découvert la randonnée.
J’ai perdu 82 lbs. Sans diète miracle ni privation débile. Sans recours à des boot camp qui donneraient des cauchemars même à Josée Lavigueur. J’ai stagné. J’en ai même repris un peu. Mais je demeure assidue à mes cours de spinning et mes collègues m’ont parfois taquinée que je semblais préférer aller au gym qu’aux 5 à 7 du boulot…
C’est comme ça que je suis passée de super obèse à… super obèse (mais en pleine forme).
Je me débrouille plutôt bien dans la jungle, les ruines et les balades en montagne. Mes taux de sucre et de cholestérol sont à des niveaux appropriés. Mon rythme cardiaque n’a rien à envier à celle de plusieurs sédentaires.
Mais les sièges d’avions n’en demeurent pas moins très – trop! – petits.
Les sacs à dos de randonnée, sacs de tailles et autres accessoires de voyages devant s’ajuster aux dimensions corporelles ne sont que trop rarement adaptés aux voyageurs actifs de mon gabarit.
Les vêtements conçus pour le voyage dépassent rarement la taille “L” chez les femmes. (Chapeau bas à la marque canadienne Tilley, une trop rare exception.)
À la question “À quand des vêtements taille plus?”, posée sur la page Facebook d’un magasin de plein-air bien connu, on m’a répondu qu’on “comprenait ma frustration”. Reconnaîtrait-on enfin que j’ai le droit d’être déçue de l’indifférence commerciale à laquelle sont confrontées les personnes actives ET corpulentes?
L’adage veut que le client ait toujours raison; j’ai souvent envie de répondre que ça dépend beaucoup de son tour de taille!
Dans un monde où la discrimination basée sur le poids demeure l’une des dernières formes d’intimidation socialement acceptable, il semblerait que l’appât du gain ne soit pas suffisant pour motiver les créateurs et fournisseurs de produits et services à répondre aux besoins de leurs clients en surpoids, un segment de la population pourtant destiné à devenir une part importante, voire non négligeable, de leur clientèle.
Les stigmates liés au surpoids sont-ils si négatifs qu’il est commercialement mal vu de s’y voir associé? Même si cela signifie perdre des clients potentiels et leur pouvoir d’achat? À défaut de devenir plus conscientisées à la diversité corporelle, peut-on espérer qu’un jour les entreprises verront l’intérêt pécuniaire de répondre aux besoins d’une population grossissante, mais active ou désireuse de l’être?
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