Dès la tendre enfance, les grosses sont les plus gentilles. On leur apprend rapidement qu’elles doivent l’être encore plus que les autres. Et que souvent, même si personne d’autre ne l’est (gentil)… elles doivent (quand même) l’être.
Image en une : « Venus et Adonis » de Peter Paul RUBENS
Aussi précocement qu’au primaire, les petites grosses comprennent vite que si quelqu’un se « risque » à être vu(e) avec elles, parias dodues, il faut que ça en vaille le coup. Au risque de devenir paria par association. Déjà, obtenir – et conserver – « l’amitié », « l’intérêt » des enfants de taille dite « standard » a un prix (émotionnel).
Dans les cours d’école de l’Occident, les grosses enfants s’évertuent à offrir tout ce qu’elles (s)ont. Pour qu’on daigne les considérer.
Pourquoi donc ?
Parce qu’elles sont grosses. Tout simplement. Et que – encore aujourd’hui – , les grosses sont trop souvent considérées comme des personnes de « valeur » moindre par la société. La plupart des grosses commencent leur vie avec une préjugé négatif à leur encontre. Et ce, avant même qu’elles n’aient dit ou fait quoi que ce soit. Pour beaucoup, leurs gros corps parlent avant même que leur voix ne puisse le faire.
Voilà pourquoi les grosses sont les plus gentilles.
Elles n’ont pas le choix de l’être si elles veulent être remarquées pour les « bonnes » raisons. Si elles veulent faire leur marque pour autre chose que leur taille. Elles occupent peut-être plus d’espace, physiquement parlant, mais trop souvent, elles préféreraient être invisibles plutôt que de n’être connues que pour leur grosseur.
Les grosses sont les plus gentilles parce qu’elles doivent compenser de ne pas s’apparenter aux standards de beauté. Bien que certaines n’entameront pas leur vie avec une image négative d’elles-mêmes, il y a fort à parier qu’elles se buteront à des gens qui ne percevront rien de bon en elles.
Quand on est grosses, il faut être tellement plus gentilles que les personnes dite « standard », ne serait-ce que pour mériter qu’on nous écoute. Pour demeurer dignes d’intérêt, il leur faut surpasser en gentillesse toutes les filles (plus) minces autour. Et malgré tout, rien ne garantit qu’elles seront considérées avec l’égard qu’on leur doit.
Voilà pourquoi les grosses sont les plus gentilles.
Une grosse, ça doit toujours sourire. Ça doit toujours être disponible. Pour aider les autres, pour les consoler. Mais quand viennent leur tour, trop souvent, elles n’osent pas se tourner vers d’autres, de peur de les emmerder.
Il y a toujours des prédateurs pour faire des grosses leurs proies de gentillesse et de vulnérabilité.
Et c’est encore plus cruellement vrai dans les relations de couple. Les filles et femmes grosses se retrouvent souvent dans des relations abusives, aux mains de partenaires qui ont vite compris l’insécurité que ces grosses personnes ressentent trop souvent. Et au fur et à mesure que cette insécurité grandit, elles deviennent de plus en plus… gentilles. Parce que le rejet après autant de sacrifices au nom de « l’amour » ferait si mal.
Plus terrifiant encore que le rejet ou l’abandon d’une relation abusive… l’obscure éventualité de ne plus jamais retrouver l’amour.
Voilà pourquoi les grosses sont les plus gentilles.
Les grosses sont plus gentilles parce qu’au-delà d’une certaine taille, leur corps devient une affaire publique. Même chose pour leurs habitudes alimentaires ou leur niveau d’activité physique. Parce que c’est socialement acceptable de passer des commentaires sur le style de vie des grosses personnes. De présumer sur le sujet. Et elles n’ont d’autre choix que d’être gentilles. Si on les insulte sur le web, elles abandonnent généralement l’idée de répondre aux attaques. Parce qu’elles sont épuisées d’avoir à éduquer les trolls et autres ignorant(e)s des questions corporelles de la toile.
Le poids de ces attaques et insultes, les grosses filles et femmes de ce monde le porte sur leurs épaules. Dans l’espoir qu’un jour, elles auront peut-être au moins droit à l’indifférence. Ce fardeau émotionnel rachève leur moral, déjà miné par leur obligatoire mascarade quotidienne de gentillesse extrême.
Risquer une réponse aux insultes leur vaudrait d’être catégorisées de grosses extrémistes. De frustrées. D’hystériques.
NOUS SOMMES À BOUT D’ÊTRE GENTILLES.
Non, ce n’est pas de l’extrémisme que de parler de la discrimination qu’on vit. On n’est pas non plus hystériques de réclamer une meilleure représentation dans la mode et les médias. Ce n’est pas extrémiste de demander que l’on nous respecte. C’est un droit humain.
Les grosses ont été si gentilles depuis si longtemps qu’on ne s’attend pas à ce qu’on s’exprime tout haut. Et fort. On s’attend encore moins à ce qu’on rouspète. Mais c’est en train de changer. Les grosses lèvent le ton. On a fini de constamment s’excuser d’exister.
Les femmes bien élevées entrent rarement dans l’histoire.
-Laurel Thatcher Ulrich
Depuis un certain temps, nous unissons nos forces. Et nous allons réclamer notre part de TOUT. Du simple respect à une meilleure représentation dans la mode. Des premiers rôles aux emplois mieux payés et aux promotions. Préparez-vous. Car nos rangs et nos voix ne peuvent que grandir. Jusqu’à ce qu’on ne puisse plus balayer nos demandes comme s’il s’agissait de vulgaires caprices.
NOUS SOMMES À BOUT D’ÊTRE GENTILLES.
Pourtant, nos demandes ne sont pas grossières ou irréalistes. C’est surtout que vous n’y êtes pas habitué(e)s. Pendant des décennies, l’Occident a surtout connu des grosses femmes silenceuses. Terrifiées à l’idée de bousculer l’ordre établi, au risque d’être encore plus ostracisées. Et on les a rejetées QUAND MÊME. Encore aujourd’hui, nous sommes représentées de façon insignifiantes. On n’a pas grand-chose à perdre… Et tout à gagner.
Nous sommes le produit de décennies de grosses filles forcées au silence. Le résultat de nombreuses années à être les moins vues, les moins désirées, les moins respectées. Nous sommes les filles de mères qui ont fait diète sur diète, nous forçant parfois à faire de même. Mais surtout, nous sommes celles qui refusons de perdre 10-20-50-100 lbs pour être considérée. Et pour commencer à vivre pour vrai.
Nous sommes les grosses femmes qui disont : « Ça suffit d’être (trop) gentilles. Parce que visiblement, ça n’a pas marché. Vous pouvez vous joindre à nous dès maintenant. Mais sachez que les choses vont changer. À vous de décider si vous voulez faire partie de la révolution. Ou si vous préférez en être le témoin silencieux. »
Note : le choix du féminin dans ce billet n’est aucunement dans le but d’amoindrir ce que vivent les personnes grosses de sexe masculin. Il s’agit tout simplement d’un choix éditorial, car ce billet s’inspire d’expériences personnes et de celles de femmes qui m’entourent. De plus, je n’ai jamais été mise au régime par ma mère. #MerciMaman
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